Thomas Catifait, photographe libre
J’ai rencontré Thomas Catifait lorsque je prenais ma retraite de photographe des musées d’Arles, en pleine période de recherche d’une liberté d’expression dont mon métier, exigeant techniquement, m’avait jusqu’alors privé.
C’est pourquoi la rigueur que s’imposait Thomas, lui le photographe libre, dans son approche du réel, m’a tout d’abord surpris.
Mais j’ai bien vite compris qu’on ne pouvait effectivement, si l’on veut réaliser une œuvre, faire l’économie d’une exigence personnelle. Cette exigence, qui, seule, peut porter le sens et véhiculer la poésie et l’émotion, est particulièrement présente dans les photographies réalisées par Thomas sur les territoires délaissés.
Pas de nostalgie affectée, pas de recherche d’une esthétique immédiate dans ces photographies. Au contraire, l’intégration d’éléments contemporains violents et parfois même disgracieux soulignent et semblent paradoxalement préserver une vie éphémère à ces devantures, ces hangars, ces lieux témoins illusoires d’un monde comme déjà effacé de nos paysages et de nos mémoires.
La beauté, l’émotion et le sens apparaissent ainsi, comme une construction mécanique, dans la globalité de l’œuvre.
La neutralité du regard est mise en scène par le langage photographique : le point de vue, le cadrage, la perspective et l’absence de parallaxe structurent l’image et réorganisent les éléments dans l’espace.
Cette apparente neutralité est en fait d’une redoutable subjectivité, parce qu’elle fait ressentir presque violemment une autre réalité (la chair de la pomme sous la peau) : une réalité sociale et politique.
Michel Lacanaud