Présentation de l’exposition
Les lieux vides du territoire
Ces photographies, extraites d’une série intitulée D’ici et de maintenant, constituent des « portraits de lieux » de territoires ruraux du grand Sud-Ouest de la France que la vie sociale d’hier, parfois économiquement prospère, a désertée. Le photographe y a décelé les traces de l’histoire qui les a façonnés en même temps que les fractures matérielles, sociales, économiques qui les balafrent désormais.
L’évolution ou la stagnation de ces territoires, notamment depuis les quarante dernières années, met en lumière l’extrême difficulté pour les pouvoirs publics à les adapter – tout en garantissant le maintien de notre modèle social – aux contraintes d’une économie mondialisée et d’une logique de fonctionnement ultralibérale, reléguant dans la pauvreté, le sentiment d’abandon et l’isolement une partie non négligeable de la population, et sapant, de surcroît, progressivement la cohésion sociale.
C’est cette France qui subit de plein fouet le chômage, les fermetures d’usines ou leur délocalisation, cette France d’une jeunesse mal formée et sans travail, d’une vieillesse parfois plongée dans la précarité, cette France des déserts médicaux et des services publics de plus en plus difficilement accessibles, des villes et des villages aux volets clos et où les commerces ferment les uns après les autres, cette France des territoires enclavés mise, de fait, au rebut.
Le paysage comme révélateur
Considérant la notion de paysage dans son acception la plus large – environnement naturel, environnement architectural -, le parti pris esthétique a été de s’attacher à le photographier, lui plutôt que l’homme qui l’habite, le paysage – comme espace habité – devenant sujet plutôt que l’habitant lui-même.
Il s’agissait donc d’en faire une lecture signifiante, en donnant à voir la permanence des éléments vernaculaires qui le composent, et en y relevant les motifs – essentiellement architecturaux – révélateurs d’une situation économique et sociale dégradée. Il a été considéré comme support structurant d’un espace initialement investi par le champ du politique, mais aussi par le champ du religieux. Il s’agissait enfin de le montrer comme marqueur du temps – réel ou symbolique – qui s’écoule : le paysage changeant, au rythme des saisons, au fil des années passées ou des transformations structurelles.
Pour la mise en œuvre de cette série, le photographe s’inscrit dans une filiation stylistique : Walker Evans pour les États-Unis des années 30, Bernd et Hilla Becher pour l’Allemagne des années 60-70, Raymond Depardon et la mission photographique de la DATAR, pour la France de ces dernières décennies.